Le 11 juillet 2011, les ministres des Finances de la zone euro ont signé le traité établissant le Mécanisme européen de stabilité (MES, ESM en Anglais), attendu depuis mai 2010. Une nouvelle version a été signée le 2 février 2012.
Le but est de permettre la création d'un mécanisme permettant de sauvegarder la stabilité de la zone euro de manière permanente. Le traité est maintenant en cours de ratification par les différents Etats membres et devrait entrer en vigueur en Juillet 2012. C'est le 21 février 2012 que les Parlementaires Français devront se prononcer sur ce traité.
Le ministre de l'Economie français, François Barouin, signant le Traité. Copyright © EurActiv.fr |
1. HISTORIQUE
Comment en est-on arrivé là ?
Comment en est-on arrivé là ?
Retour au 9 mai 2010 : la Commission confie au Conseil Ecofin une proposition de règlement permettant d'établir le Mécanisme européen de stabilisation financière (MESF).
Les 9 et 10 mai 2010, les ministres des finances des 27 états vont approuver la création du MESF et du Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF). Le premier est un organisme communautaire adossé au budget de l'Union Européenne et n'est garanti "que" à hauteur de 60 milliards d'euros (auxquels s'ajoutent 30 milliards d'euros de garanties du FMI). Le second est un organisme inter-gouvernemental doté de 440 milliards d'euros de capital garanti (le FMI garantissant 220 milliards d'euros de plus, le capital garanti s'élève à 660 milliards d'euros).
Aussi, afin de "pérenniser" un mécanisme européen de stabilité, les dirigeants européens doivent modifier le Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE). Validée par le Parlement Européen, la modification de l'article 136 du TFUE est entérinée par le Conseil le 23 mars 2011. Elle devra, dans le même temps que le Traité MES, être ratifiée par les Parlements nationaux.
Le 2 février 2012, une deuxième version du traité a été signée afin d'y intégrer des nouveautés dans plusieurs domaines.
Le 2 février 2012, une deuxième version du traité a été signée afin d'y intégrer des nouveautés dans plusieurs domaines.
2. MANQUE DE TRANSPARENCE ET SUSPICIONS
Des citoyens méfiants s'inquiètent
Ses grandes lignes étaient connues depuis le Conseil Européen des 24 et 25 mars 2011.
Depuis juillet 2011, date de sa signature, la suspicion règne sur le net vis-à-vis de ce traité, alimentant la peur d'une "dictature financière". Certains se demandent aussi si sa ratification s'est faite légalement.
Pourtant très attendue, sa signature n'a pas été commentée dans les grands médias. Seuls les sites officiels ainsi que certains médias spécialisés (voir vidéo au bas de l'article*) ont rapporté l'information.
3. LE MES TEL QUE DECRIT PAR LE TRAITE
Structure et But du futur organisme
Le MES sera une institution internationale composée :
- d'un Conseil d'Administration présidé par un Directeur Général et dont le travail sera de gérer les affaires courantes et techniques ;
- d'un Conseil des Gouverneurs chargé de prendre les décisions importantes. Ce dernier, regroupant les ministres des finances des États membres, élira son président pour un mandat de 2 ans renouvelable, et nommera aussi le Directeur Général du Conseil d'Administration pour un mandat de 5 ans renouvelable une fois.
Le but de cet organisme sera de prendre la suite du FESF en finançant sous conditions un état membre si sa situation menace la stabilité de la zone euro. Ce mécanisme pourra lever des fonds via des instruments financiers (par des émissions d'obligations notamment), mais aussi via des accords de coopérations avec des états non-membres ou des institutions tiers telles que le FMI.
4. LA POMME DE LA DISCORDE
Les sommes en jeu, les pouvoirs et les privilèges accordés
Tout comme ses prédécesseurs, le MES ne prêtera pas son propre argent aux États en difficulté. Il se base sur un capital garanti par les états membres pour pouvoir emprunter sur les marchés. Le capital s'élevant au total à 700 milliardsd'euros dont 11% seulement (80 milliards d'euros) seront réellement versés durant les 5 années suivant la ratification du traité.
Deux types de capital :
D'une part, le MES disposera de fonds mobilisables qu'on appelle capital libéré (c'est l'argent que les états auront vraiment donné au MES), d'un montant initial de 80 milliards d'euros, d'autre part un capital non libéré (il est sujet à appel mais n'est pas versé tant qu'on n'en a pas besoin) d'un montant initial de 620 milliards d'euros.
La modification du capital par le Conseil des Gouverneurs :
Ce qui pose problème à certains commentateurs, c'est le fait que le Conseil des Gouverneurs pourra décider de modifier ces montants. Il pourra donc, d'un commun accord (unanimité des votants, l'abstention n'étant pas comptée), augmenter le montant du capital libéré ou non libéré.
Le Conseil des Gouverneurs aura par ailleurs la possibilité de faire appel à du capital non libéré des États membres. Dans les cas extrêmes où le MES se verrait dans l'incapacité potentielle d'honorer ses créanciers, le Directeur Général pourra faire appel au capital non libéré : les États s'engageront alors inconditionnellement et irrévocablement à procéder au paiement dans les 7 jours suivant l'appel.
Enfin, le Conseil d'Administration pourra, à la majorité simple, faire appel au capital non libéré pour maintenir le niveau de capital libéré : Si, à cause de pertes, le montant du capital libéré descend à 75 milliards, il pourra alors demander aux États de libérer 5 milliards d'euros pour revenir au montant prévu de 80 milliards d'euros de capital libéré.
Objet du scandale n°2 : immunité, privilèges et manque de transparence
Le MES "aura pleine personnalité juridique et aura pleine capacité juridique". Il pourra aller en justice, acquérir et aliéner des biens immobiliers et mobiliers ou passer des contrats.
Tous ses biens, fonds et avoirs jouiront de l'immunité de toute forme de procédure judiciaire et seront exempts de restrictions, réglementations, contrôles et moratoires. Sa propriété, son financement et ses actifs seront exempts de perquisition, réquisition, confiscation ou saisie, d'où qu'elles émanent. Ses archives et documents, ainsi que ses locaux seront inviolables.
Les employés seront à l'abri de toute poursuite à l'égard d'actes accomplis en leur qualité officielle, seront soumis au secret professionnel, paieront un impôt interne décidé par le Conseil d'Administration (les salaires et émoluments étant exempts de l'impôt sur le revenu national).
Notons que le Conseil des Gouverneurs aura le pouvoir de lever certaines immunités quand il le jugera opportun et surtout, que ce régime juridique est le régime classique pour une institution internationale.
Objet du scandale n°3 : Le TSCG
Le traité établissant le MES fait explicitement mention du Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance, signé par 25 Etats de l'Union Européenne le 30 janvier 2012, et qui a pour but de renforcer la discipline budgétaire des Etats signataires.
En effet, une des conditions d'accès à l'assistance du MES sera d'avoir au préalable ratifié le TSCG et d'avoir créé un mécanisme de correction budgétaire (la "Règle d'Or").
C'est à cause de cette mention faite du TSCG que les Parlementaires Socialistes sont appelés à s'abstenir.
5. CONCLUSION
Pour résumer !
Le MES aura un immense pouvoir au sein de la zone euro et prendra la place du FESF au courant de l'année 2013 bien que le but soit d'accélérer le mouvement pour qu'il puisse entrer en vigueur en Juillet 2012.
Le capital pourra être modifié à l'unanimité des Gouverneurs, offrant donc une flexibilité potentielle tout en gardant la possibilité pour un membre d'user de son droit de véto.
Le capital pourra être modifié à l'unanimité des Gouverneurs, offrant donc une flexibilité potentielle tout en gardant la possibilité pour un membre d'user de son droit de véto.
La France y est engagée à hauteur de 142,7 milliards d'euros, dont 16,3 milliards d'euros de capital à libérer dans les 5 ans suivant la ratification, soit environ 3,26 milliards d'euros par an. Bien sur, si la décision d'augmenter le capital était prise, la France et les autres membres devraient augmenter leurs transferts vers le MES.
Dans les cas extrêmes, les pays signataires s'engagent à verser du capital non libéré au MES dans les 7 jours suivant l'appel du Directeur Général.
Facteur à ne pas négliger non plus : aucun acteur de ce système n'est élu ni responsable devant les peuples européens.
* Voir l'intervention d'Olivier Delamarche sur BFM Business (à partir de 6 minutes 40) :
Conférence sur le fonctionnement du FESF et du MES :
Comprendre le MES et le FESF (Libre Journal... par LeLibreTS
Vidéo très intéressante et didactique. Merci pour le temps et l'énergie que vous engagez à faire comprendre au plus grand nombre, en termes simples, des mécanismes qui peuvent avoir une influence directe et significative sur notre quotidien. Belle démarche citoyenne. Voilà le genre de contenu que j'aimerais trouver au 20h.
RépondreSupprimerMerci beaucoup Olivier,
RépondreSupprimerVotre encouragement me va droit au coeur :-)
Bien cordialement,
Merci.
RépondreSupprimerEt dans le même temps, NS nous propose une Europe qui protège.
Un enfumage parmi d'autres
http://essaidereinformation.blogspot.fr/
Une présentation biaisée qui alimentera les thèses conspirationnistes. Le statut est celui de n'importe qu'elle institution internationale (voire du plus petit consulat) comme vous le dites vous même.
RépondreSupprimerPour votre info, il y a peu d'institutions aussi suivie dans le monde que l'Europe et notamment par la presse anglo saxonne pour ce qui concerne ses activités financières. Toute l'info est disponible en long en large et en travers. Le problème est qu'il est impossible d'intéresser le public à un 20h avec un tel sujet et cela n'a rien à voir avec un complot. Alors pour faire frissonner, rien de tel qu'une petite histoire de dictature des eurocrates anonymes.
Au passage, ous êtes vous demandé comment fonctionnait votre Conseil régional ou général, car ce sont bien sûr des institutions beaucoup plus transparente que l'Europe n'est ce pas?
Dénoncer l'opacité de nos institutions relève du lieu-commun. Toutefois, quand un Maire, un Président de Conseil général, de Conseil régional, voire de la République Française, fait des erreurs, les citoyens peuvent éventuellement le sanctionner lors des échéances électorales.
SupprimerDans le système qui sera mis en oeuvre à partir du 1 juillet 2012, j'ai cru comprendre que : "Aucun acteur de ce système n'est ni élu, ni responsable devant les peuples européens". Ca ressemble au fonctionnement d'une bande organisée.