Nous partageons ici la synthèse écrite d'une lectrice du blog. Cette synthèse s'appui sur le contenu des Chroniques Transatlantiques et raconte le projet de Grand Marché Transatlantique tel que décrypté ici.
En vous souhaitant bonne lecture, nous remercions Magali P. de son travail et du temps passé à lire nos billets.
Wikileaks, petite bombe lâchée dans l'univers politique, a inondé le monde de quelques 250000 câbles diplomatiques américains.
L'un deux est sans doute passé inaperçu aux yeux des lecteurs, même attentifs, tant le sujet est mal connu.
Dans un document confidentiel en date du 29 septembre 2008 provenant de l'ambassade américaine à Berlin, on apprend qu'Angela Merkel « a une haute idée du Conseil Économique Transatlantique (CET) entre UE et USA – une pièce centrale de sa présidence de l'Union Européenne en 2007 – dont le but est de réduire les barrières réglementaires au commerce et à l'investissement transatlantique [...] ».
Voilà donc qui éveille la curiosité... Que peut donc être ce CET ?
Mis en œuvre au début des années 1990, le marché transatlantique est une construction récente. Elle relève cependant de fondements idéologiques bien plus anciens.
S'appuyant désormais sur des organismes bien réels et influents, sa construction dans l'ombre et son fonctionnement lobbyiste en font une institution qui peut être qualifiée sans difficulté d'anti-démocratique.
Le marché transatlantique: une construction récente
Wikileaks n'a pas pas menti. Depuis vingt ans, les technocrates de part et d'autre de l'atlantique travaillent à la réduction des barrières aux échanges, que ce soit de marchandises, de services, que de capitaux.
C'est en 1990, le 22 novembre, que les États-Unis et la Communauté Économique Européenne signent la Déclaration Transatlantique. Leurs buts communs sont: la promotion de la démocratie, de la paix et de sécurité, une économie à croissance soutenue, la promotion du principe du marché et le rejet du protectionnisme, l'aide et l'influence des anciennes républiques soviétiques de l'Est. Les moyens sont doubles: d'une part la consolidation de la construction européenne, d'autre part une coopération plus approfondie entre les deux rives de l'Atlantique.
Un premier cadre institutionnel est mis en place : une rencontre biannuelle entre le Président de la Commission européenne, le Président du Conseil européen et le Président des États-Unis, ainsi qu'une rencontre biannuelle entre les ministres des Affaires étrangères.
Pour nourrir la machine transatlantique, les partenaires souhaitent s'appuyer sur le développement des « dialogues », notamment le dialogue réglementaire dont les buts sont d'étudier et de proposer des moyens d'abaisser les barrières techniques et non-tarifaires.
A partir de 1992, le Trans-Atlantic Policy Network (TPN) vient influencer de l'intérieur le monde politique en réunissant des hommes politiques, des hommes d'affaires et des universitaires de premier plan. Rien de surprenant pour une construction qui, nous ne verrons, reste largement initiée par les milieux d'affaires internationaux.
En 1995, lors du sommet de Madrid, les deux partenaires concrétisent les principes lancés dans la Déclaration Transatlantique via un Plan d'Action Commun. Ils s'engagent notamment à des études communes sur l'abaissement de toutes les barrières considérées comme des entraves au commerce. Pour ce faire, ils reconnaissent explicitement les conclusions d'un rapport remis par le « Trans-Atlantic Business Dialogue » (TABD) – organisation regroupant une centaine de patrons de multinationales parmi les plus puissantes des deux cotés de l'Atlantique et réunie pour la première fois en novembre 1995 à Séville.
Trois ans plus tard, une nouvelle étape est franchie avec le Partenariat Économique Transatlantique, négocié le 18 mai 1998. Cette déclaration se base sur un accord rédigé par la Commission européenne et l'administration américaine. Elle vise à poursuivre la lancée du NTA [NDLR : Nouvel Agenda Transatlantique accompagnant le plan d'Action Commun de 1995] en mettant au point des actions coopératives visant à:
- améliorer la coopération réglementaire,
- abaisser les barrières aux échanges commerciaux,
- améliorer la coordination et rapprocher les positions des deux acteurs au sein des organismes internationaux,
afin de parvenir, à terme, à la construction d 'un marché commun reposant sur des valeurs communes.
Les avancées ont du être notables puisqu'en 2007, l'Accord-cadre entre les USA et l'UE établit un Conseil Économique Transatlantique (chouchou de Madame la Chancelière), chargé de superviser l'application de l'Accord-cadre, d'établir des objectifs et de fixer des échéances. Pour effectuer ce travail éminemment politique, le CET est composé paritairement d'européens et d'américains désignés par la Commission européenne et le gouvernement américain. Ils ne sont pas élus et leurs travaux ne font jamais l'objet d'un débat public, ni ne sont traduits.
Les matières prioritaires qui feront l'objet d'une négociation en vue d'une harmonisation ont été arrêtées. Il s'agit des droits de propriété intellectuelle de l'innovation et la technologie, de l'investissement, des marchés financiers et de la sécurité du commerce.
Surtout, le CET se substituera aux partenaires lors des négociations portant sur les questions de son ressort se tenant dans d'autres cadres.
Désormais on ne parle plus seulement d'un partenariat entre les deux rives, mais véritablement de rapprocher sur tous les points les deux acteurs au sein des instances internationales comme l'OMC ; les USA et l'UE ne faisant plus qu'un au niveau des négociations commerciales.
Un parlement européen attentif et volontaire
Les lecteurs pourront à juste titre s'interroger : qu'en pensent nos « représentants »? Si au niveau national, ceux-ci sont soit ignorants, soit silencieux (à de rares exceptions près), les parlementaires européens sont étroitement liés au projet.
Le 1er juin 2006, dans sa résolution sur l'amélioration des relations entre l'UE et des USA dans le cadre d'un accord de partenariat transatlantique, le Parlement souligne « l'impérieuse nécessité » de « parachever, sans entrave, le marché transatlantique d'ici à 2015 ». Il s'agit de « redoubler d'efforts pour mettre en œuvre la déclaration sur le renforcement de l'intégration économique transatlantique ».
Au niveau institutionnel, le Parlement souhaite que la coopération s'inscrive dans un « cadre institutionnel et politique approprié ». Il s'agit d'améliorer le dialogue existant actuellement entre les deux partenaires (TLD) en transformant progressivement les échanges interparlementaires en véritable assemblée transatlantique de fait. Les mêmes souhaits sont renouvelés lors des résolutions du 24 avril 2007, du 8 mai 2008 et du 26 mars 2009.
Les résolutions parlementaires permettent également de mettre en lumière le véritable enjeu qui sous-tend le partenariat: l'intégration économique mondiale.
Une gouvernance mondiale
Conformément à l'esprit mondialiste, la constitution de grands ensembles, l'UE dans un premier temps, l'Union transatlantique ensuite, réduit au silence les souverainetés nationales (considérées comme un poison) et participe ainsi la naissance d'une gouvernance économique mondiale.
Dans sa résolution du 8 mai 2008, le Parlement dispose que « le concept de marché transatlantique consistant à recourir à la coopération dans le domaine réglementaire afin d'obtenir la suppression progressive des barrières non-tarifaires pourrait jouer un rôle majeur dans le maintien de la dynamique qui sous-tend l'intégration économique mondiale ». Un mois plus tard, il récidive en déclarant que les deux partenaires « jouent des rôles fondamentaux dans la politique et l'économie mondiale ».
Cette philosophie se retrouve également dans les accords liant les deux partenaires:
- libéraliser les services financiers sur des bases mondiales (Plan d'action commun, 1995)
- une économie transatlantique à « l'avant garde de la mondialisation » ( Accord-cadre, 2007)
- un rôle de « contrôle des tendances protectionnistes en Europe aux États-Unis et dans le monde » confié au CET (Avis du CESE, 2009)
Par l'intégration économique, c'est l'intégration politique qui est attendue. A ce titre, l'OTAN constitue une organisation clé et J.M. De Almeida (conseiller du Président de la Commission européenne) ne s'y trompe pas lorsqu'il déclare que la meilleure solution pour le renforcement des relations entre l'UE et les USA serait l'adhésion de l'UE à l'OTAN.
Les dispositions du Parlement européen sont également explicites:
« Une politique étrangère et de sécurité commune doit être comprise comme complétant les actuels instruments de coopération transatlantique […] l'OTAN est une garante de la sécurité européenne et devrait aussi devenir un forum de débat politique entre les deux partenaires » (résolution de 2008). On s'articule donc réellement vers une gouvernance occidentale au sein même de l'OTAN, dès lors, on peut considérer à juste titre le marché transatlantique et l'alliance militaire comme les deux faces d'une même pièce.
Pour ce faire, les derniers verrous ont sauté. Alors que l'UE ne disposait pratiquement d'aucune compétence en matière pénale, judiciaire ou militaire, le Traité d'Amsterdam (1997) est venu ouvrir la voie à un espace sécuritaire et pénal commun, tandis que le Traité de Lisbonne (2009) a octroyé à l'Union la possibilité de mener une politique étrangère au nom de ses pays membres. En 2010, sans surprise, la France rejoignait le commandement intégré de l'OTAN.
Si cela ne suffit pas à certains pour saisir l'entourloupe et qu'ils continuent d'espérer que l'UE cherche à se renforcer et à se poser en contrepoids des Etats-Unis dans cette gouvernance mondiale, cet extrait du rapport remis par le TPN en 2003 finira de leur oter tout espoir: « Une stratégie européenne construisant une Union européenne comme contrepoids géopolitique aux Etats-Unis minerait cette relation, au même titre qu’une stratégie américaine d’indifférence voire d’hostilité à l’émergence de l’UE en tant qu’acteur global et solide partenaire »
Des fondements idéologiques anciens
Cet objectif ne date pas d'hier.
En 1954, 150 citoyens distingués, venus de huit Nations du pacte atlantique, ont adopté une Déclaration de l'Unité Atlantique. Celle-ci fait remarquer que l'OTAN est encore une simple alliance militaire alors qu'elle devrait être une alliance plus complète (les parlementaires ne l'ont apparemment pas oublié...). Il s'agit notamment de développer l'OTAN dans l'objectif d'harmoniser les stratégies politiques, commerciales et militaires des nations membres.
En janvier 1962, quelques mois avant la déclaration d'interdépendance entre l'Europe et l'Amérique, la Déclaration de Paris est venue établir les premières bases d'une fédération transatlantique entre démocraties. On peut y lire que le Conseil de l'Atlantique Nord fait bon accueil à l'expansion éventuelle de la CEE, ainsi qu'à un partenariat commercial entre celle-ci et les États-Unis, « prélude à la constitution d'une Communauté Économique Atlantique ouverte à toutes les Nations du monde libre ». C'est sans surprise que l'on apprend que cette Déclaration a été faite à l'initiative de Federal Union Inc et de l'Atlantic Union Commitee, organisations atlanto-mondialistes menées par Clarence Kirshmann Streit. Ce dernier disposait sans son ouvrage « Union Now » (1939) que l'Union transatlantique ne constitue qu'un « embryon » qui ne connaîtra « aucune limitation, quelle qu'elle soit, à sa force d'expansion, que sa constitution indique explicitement qu'il est créé pour se développer pacifiquement et devenir un gouvernement universel ».
Quelques mois plus tard, le 12 novembre 1962, une nouvelle Déclaration de l'Unité Atlantique engage explicitement les États à « Instituer un partenariat commercial entre la CEE et l'Amérique du Nord, socle pour la Communauté Économique Atlantique, mais ouverte à toutes les autres nations du monde libre ».
En 1964, alors que la Federal Union Inc fête son 25ème anniversaire, Nelson Rockeffeler [à cette époque, gouverneur du Texas, NDLR] évoque les moyens d'établir « l'union atlantique au sein d'une structure fédérale » en s'appuyant sur la CEE pour l'économie, et sur l'OTAN pour la défense et les affaires étrangères. CQFD.
Ces déclarations, prises dans un contexte de guerre froide, voient aujourd'hui leurs objectifs renouvelés et concrétisés face à la menace du terrorisme international et l'émergence de nouvelle puissance – et ce, sans qu'aucun citoyen n'en soit informé par les médias et la presse officielle.
Une construction anti-démocratique
Nous abordons là un aspect fondamental de la construction transatlantique qui, faute de pouvoir se reposer sur une volonté politique émanant des citoyens, cherche désormais une légitimité faussement démocratique dans la société civile.
A cet égard, le Nouvel Agenda Transatlantique (NTA), adopté lors du sommet de Madrid (1995), plante le décors: un approfondissement des « dialogues » commerciaux (cf. TABD), sociaux (partenaires sociaux), culturels, scientifiques, et politique via le « Trans-Atlantic Legislator's Dialogue » (TLD).
– Le Trans-Atlantic Business Dialogue (TABD): un lobby respecté et écouté
Premier né des organismes composant le dialogue transatlantique, nous avons présenté le TABD lors de l'adoption du Plan d'Action Commun en 1995.
Quelles sont ses origines? Il est né de l'idée du Secrétaire d'État au commerce américain Ron Brown, qui, à l'aide de ses homologues de la Commission européenne, Martin Bangemann et Leon Brittan, voulaient encourager la participation de la société civile au processus d'intégration transatlantique. Pour ce faire un questionnaire a été envoyé à un plus de 1800 firmes leur demandant leurs idées, leurs remarques ainsi que la manière de les engager plus dans le processus. « Le résultat fut spectaculaire. Dirigeants industriels européens et américains demandèrent d'une seule voix une plus grande et plus rapide libéralisation du commerce. Et cela a eu un effet immédiat » (Leon Brittan).
Le TABD, financé exclusivement par les sociétés qui le composent (19 firmes américaines et 15 européennes), se réunit désormais à chaque sommet UE-USA pour rendre ses recommandations.
– Le Trans-Atlantic Environment Dialogue (TAED): une vaste blague
Ce n'est qu'en 1998, lors du lancement du Partenariat Économique Transatlantique, que l'on décide de la création du TAED qui regroupera les ONG environnementales américaines et européennes. Il ne lui sera jamais accordé autant d'importance que le TABD, dont le directeur européen commentait que les industriels perdront tout intérêt pour ce processus « s'ils doivent passer la moitié de l'après-midi assis à argumenter avec les écologistes ».
– Le Trans-Atlantic Consumer Dialogue (TACD)
Plutôt écouté par les gouvernements, ce dialogue, créé en 1998, regroupe des ONG de défense du consommateurs et produit des recommandations qu'il soumet à chaque sommet EU-USA.
Ils représentent, avec le TABD, les seuls organismes reconnu officiellement par le Conseil Économique Transatlantique.
– Le Trans-Atlantic Labour Dialogue (TALD)
Presque aussi ignoré que le TAED, le TALD adresse régulièrement des requêtes pour être traité à égalité avec le TACD et TABD, en étant officiellement reconnu comme experts auprès du CET. N'ayant toujours pas obtenu gain de cause, il fut cependant convier à prendre la parole du sommet de 2009 et ses recommandations ont été étudiées.
– Le Trans-Atlantic Legislator's Dialogue (TLD)
Ce dialogue législatif dure depuis 1972 sous la forme de sommets interparlementaires annuels. Pour autant, le lancement officiel TLD date de 1999, en réponse directe aux engagements pris de resserrer la coopération parlementaires dans les accords de 1995 et 1998. Cet organe se réunit lors de sommet biannuels. C'est ce dernier que le Parlement souhaite voir évoluer vers une Assemblée Transatlantique de fait.
A propos! A quand un Trans-Atlantic Citizen's Dialogue ?...
Un grand bravo à Magali P.
RépondreSupprimerMaintenant il manque une chose à cette présentation : un seau pour y rendre tout ce qu'on ne digère pas.
Sinon, on comprend bien que la multiplication des commissions, groupes, lignes de discussion et autres sont comme autant de liens permettant d'amarrer les deux continents.
La question que je me pose est : quand est-ce qu'on s'arme contre cela ?
Désormais rien ne peut stopper cette idéologie ultra totalitaire dont le seul souhait est d'enclaver l'humanité ou du moins ce qu'il en restera.Toutes ces sociétés secrètes ou non ont un seul et même but et servent le même maître.L'argent n'étant pas un but mais belle et bien le moyen , avec du sexe à tout les plats,de réduire l'être humain néant .Le 4ème Reich arrive.
RépondreSupprimerVoir aussi : www.no-transat.be ;-)
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