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dimanche 26 décembre 2010

La déclaration de Paris (janvier 1962) : la première déclaration transatlantique.


Il y a maintenant 20 ans que le processus d'union atlantique a été officiellement lancé. Le 22 novembre 1990, avec l'adoption de la Déclaration transatlantique par le congrès des États-Unis et le parlement européen, l’Ancien et le Nouveau Monde se sont engagés dans l’édification d'une union politique, économique et militaire. Quelques mois après la disparition du Pacte de Varsovie, le Secrétaire d'État du président George H. Bush, James Baker, avait déclaré : « Notre objectif est une communauté transatlantique allant de Vancouver à Vladivostok » (juin 1991, Berlin) [1].
En janvier 1962, quelques mois avant la « déclaration d’interdépendance » entre l’Europe et l’Amérique du président Kennedy (4 juillet 1962, Philadelphie) [2], un document avait précédé la déclaration transatlantique : la déclaration de Paris, premier pas en vue d’établir une fédération transatlantique entre démocraties, et in fine une fédération mondiale.


Cette déclaration est le fruit de la convention atlantique des nations de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan). Les 90 citoyens délégués réunis à Paris entre le 8 et le 20 janvier 1962 avaient fixé l’objectif suivant : ériger une véritable Communauté Atlantique ( « a true Atlantic Communauty ») en une décennie, seule façon de garantir la survie et le progrès des hommes libres.
Préambule.

Le préambule de la Déclaration rappelle que le monde occidentale partage un héritage collectif : celui d’une « grande civilisation » dont les origines remontent aux « premières réalisations du Proche-Orient, à la beauté de la Grèce classique, à la sage juridiction romaine, à la force spirituelle de nos religions traditionnelles et à l’humanisme de la Renaissance. » L’Occident est par ailleurs un monde progressiste, qui s’appuie sur la science moderne et la maîtrise de la nature. Son histoire fut certes marquée par des guerres et des conflits de toutes sortes, des principes communs transcendent néanmoins sa division perpétuelle : la primauté du droit ; le respect des droits individuels ; la justice sociale ; le devoir de générosité. Les nations occidentales constituent ainsi, selon les mots de la Déclaration, « une solide communauté morale et culturelle ».

Recommandations.

La Communauté Atlantique doit s’unir face à la menace communiste au nom de la liberté et de la démocratie. Cette union doit se faire dans les domaines politique, militaire, économique, morale et culturelle. Pour mener à bien cet ambitieux projet, la Convention Atlantique énonce toute une série de recommandations :

« Définir les principes sur lesquelles la civilisation occidentale repose, et en assurer le respect.

Créer un Haut Conseil permanent au plus haut niveau politique, chose indispensable à la Communauté Atlantique, afin de prendre des décisions concertées pour toute la Communauté [...].

Développer la conférence parlementaire de l’Otan dans le cadre d’une assemblée consultative pour qu'elle puisse réviser les travaux de toutes les institutions atlantistes, et leur faire des recommandations.

Instituer une Haute Cour de Justice de l’Atlantique pour résoudre les problèmes qui peuvent intervenir dans les traités.

Harmoniser les stratégies politiques, militaires et économiques liées aux questions s’appliquant à l’ensemble de la Communauté.

Le Conseil de l'Atlantique Nord doit contribuer au développement d'une politique concertée de l'Otan, en respectant la condition d’extrême urgence en ce qui concerne l’utilisation de l’arme nucléaire.

Le Conseil de l’Atlantique Nord fait bon accueil au développement, au progrès, et à l’expansion éventuelle de la Communauté Économique Européenne (CEE) ainsi qu’aux déclarations du président Kennedy. Ce dernier prône en effet l'établissement d’un partenariat commercial entre la CEE et les États-Unis, prélude à la constitution d’une Communauté Économique Atlantique ouverte à toutes les nations du monde libre.

Les nations occidentales, reconnaissant le droit de tous les individus à la liberté, à l’indépendance et à la recherche du bonheur, doivent coopérer plus largement avec les pays en développement dans leurs programmes économiques. Cette coopération s’exprimerait par des programmes économiques multilatéraux, une accélération des investissements, et des mesures visant à doubler le volume et la valeur de leurs exportations, ce qui impliquent des réductions tarifaires spéciales pour leur exportations.

La Communauté Atlantique doit prendre des mesures afin d’aider à l’amélioration de leurs économies et de rééquilibrer le potentiel économique de chacun.

Les nations occidentales, témoin de la disparition de l’indépendance nationale et des droits de l’homme en Europe centrale et Orientale, réaffirme leur conviction selon laquelle le problème de ces nations sous tutelle devra être résolu en accord avec les principes de liberté individuelle et d’auto-détermination nationale.

Créer un Conseil de l’Atlantique pour les jeunes, l’éducation et la culture dans le but de mettre sur pieds des projets d’échange de jeunes gens, d’étudiants ou d’enseignants - et ainsi promouvoir une collaboration culturelle et scientifique de part et d’autre de l’Atlantique [3].

Les membres de l’Otan s’engage à instaurer rapidement une Commission Spéciale Gouvernementale dans l'intention de créer d'ici deux ans une véritable Communauté Atlantique pour faire face aux défis politique, militaire et économique du temps. »

Les questions d’ordre moral et culturel.

La convention atlantique des nations de l’Otan définit ensuite les principes moraux et spirituels de la Communauté Atlantique :

« Les buts des institutions politiques et économiques sont la protection et la promotion des droits, des libertés et des devoirs, qui permettent à chaque être humain de remplir sa vocation spirituelle.

La liberté est inséparable de la responsabilité, ce qui implique une reconnaissance de la loi morale à laquelle les hommes, en tant qu’individus ou en tant que collectivité, doivent se conformer.

La liberté est inséparable des devoirs de chacun vis-à-vis de son prochain, ce qui implique l’obligation d’assurer à tous les hommes, peu à peu, le bien-être physique et morale.

La liberté est inséparable de la tolérance, c’est-à-dire le droit de discuter librement de tous les sujets, tant que les principes de la civilisation ne sont pas outrepassés.

Il ne peut y avoir de liberté sans diversité, résultante naturelle des différences entre les peuples dans tous les domaines. Mais cette diversité ne doit pas entraîner la désunion. À l’inverse, conservant leurs caractéristiques communes, elle deviendrait une force conduisant les peuples de la civilisation Occidentale à l’union.

La liberté est inséparable de la vérité objective. Il faut donc redonner aux mots le sens exact qu’ils ont dans le Monde Libre.

Les pays membres sont invités à :

Défendre et promouvoir les valeurs et les principes civilisationnels en utilisant l’éducation, les publications diverses, l’enseignement, la radio, le cinéma et la télévision.

Respecter dans leur conduite à l’égard des autres nations l’éthique et les valeurs de la civilisation Occidentale et ainsi servir d'exemple, la discorde et la désunion intervenant lorsqu’elles sont bafouées.

Défendre ces valeurs et ces principes contre la subversion intellectuelle et morale à l’intérieur de la Communauté.

Essayer de créer une atmosphère propice à la compréhension mutuelle entre les Membres de la Communauté Atlantique, favorisant au maximum la richesse émanant de leur diversité;

Démontrer aux autres peuples que le seul respect de ces valeurs et de ces principes peut engendrer une civilisation technique dans le but d’améliorer le bien-être physique et moral de l’humanité.

Reconstruction de l’Acropole : décider que l’Acropole deviendra le symbole de notre culture et l’autel de notre Alliance, et appeler les gouvernements à réfléchir à la mise en oeuvre d'une telle mesure. »

Le moins qu’on puisse dire, c’est que le « monde libre » n’a rien à envier au monde socialiste en terme d’idéologie. Il est a noté, par ailleurs, que cette déclaration a été faite à l’initiative de Federal Union Inc et de l’Atlantic Union Committee, organisations atlanto-mondialistes menées par Clarence Streit, l’auteur de Union Now [4].
Si la Communauté Atlantique n’a pas été mise en place dans le délai prévu, force est de constater qu’à la veille de 2011, les transatlantistes sont sur le point de gagner la partie. Avec la création d’institutions comme le Conseil Économique Trantatlantique, le Conseil Politique Transatlantique ou encore l’assemblée transatlantique [5], la très avant-gardiste déclaration de Paris est en passe de se concrétiser. Seulement, la Némésis finit toujours par punir l'Hybris.


Notes :

[1] DE BRESSON H. (1991). « Monsieur James Baker prône la création d’une communauté euro-atlantique "de Vancouver à Vladivostock" », Le Monde, 20 juin, p. 8.

[2] Discours prononcé par le président Kennedy à l’Independance Hall à Philadelphie, in Union de l’Europe occidentale, Assemblée-Commission des Affaires générales : l’année politique en Europe, rétrospective 1962, mars 1963, pages 52 et 53.

[3] Cette recommandation rappelle le projet ATLANTIS, programme européen lancé en 1995 qui permet d’aller étudier aux Etats-Unis, en bénéficiant d’une bourse. Voir :
- Le site du Département de l'Éducation des États-Unis :
- Le site de l'agence exécutive "Éducation, audiovisuel et culture" :
- Le site de la commission européenne :

[4] « A daring try was made in 1962 when, on the initiative of the leaders of the Atlantic Union Committee and Federal Union, ninety leading citizens of NATO nations met in Paris in the Atlantic Convention. The outcome of the convention was the Declaration of Paris. They made recommendations including greater integration of NATO defense forces, establishment of an Atlantic High Court of Justice, further development of the Atlantic Assembly, and establishment of a governmental commission to draw up a charter for a true Atlantic Community. Several of the less daring recommendations were implemented but action toward federation did not develop » in http://streitcouncil.org/index.php?page=federal-union-inc

[5] Nous détaillons cela dans le volet institutionnel de nos chroniques transatlantiques : http://theorie-du-tout.blogspot.com/search/label/Chroniques%20Transatlantiques%20:%20Institutions

BOUNOUA Samy.

Document joint :

La déclaration de Paris (en anglais) :

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