dimanche 4 juillet 2010

L'Europe, c'est la guerre! par François Asselineau.

Tirant parti de ce qu’il n’y a pas eu de conflit armé, en effet, entre la France et l’Allemagne depuis 1945, la propagande européiste nous assure que cette situation heureuse découle indubitablement de la construction européenne et que celle-ci ne saurait donc être remise en question, sauf par de dangereux va-t-en guerre.

Pour beaucoup de Français, cet argument « l’Europe, c'est la Paix » est d'autant plus intimidant qu'il semble incontestable. L’argument semble même jouer un rôle décisif pour les Français qui ont personnellement des souvenirs d’enfance de la Seconde Guerre mondiale. Comme l’ont révélé les sondages post-électoraux effectués par tranche d’âge après le référendum de 2005, l’argument de la paix explique principalement pourquoi ce sont les électeurs de plus de 60 ans – et davantage encore ceux âgés de plus de 70 ans - qui ont été les seuls à voter majoritairement en faveur de la Constitution européenne.

Pourtant, cet argument « l’Europe, c'est la Paix » est à la fois faux et très dangereux. Pour le démontrer de façon exhaustive, il me faudrait procéder à de longs développements que ne permet pas le format d’une page Facebook. Aussi aurais-je l’occasion de mettre en ligne prochainement sur notre site internet un dossier complet sur cette question qui préoccupe en effet, et à juste titre, les Français comme tous les peuples d’Europe soucieux de paix.


Néanmoins, pour vous donner d'ores et déjà quelques éléments de réflexion, je crois utile de souligner que, contrairement à ce qu’assène la propagande, la construction européenne n’a été pour rien dans le maintien de la paix sur le continent européen depuis 1945 (plus exactement dans sa partie occidentale, car le continent a connu plusieurs conflits très meurtriers dans l’ancienne Yougoslavie).

Qu’est-ce qui permet de l’affirmer ?

Tout d’abord la simple chronologie des faits.

En effet, si la fameuse Déclaration Schuman date du 9 mai 1950, le Traité de Rome n’a été signé quant à lui que le 25 mars 1957 et les institutions communautaires ne se sont mises en place que très progressivement ensuite. Ce simple rappel des dates a une conséquence logique immédiate : si la paix a prévalu entre 1945 et, disons, le début des années 1960, il est tout simplement impossible d’en attribuer le bénéfice à quelque chose qui n’existait pas.

Ainsi, ce n’est pas grâce à la CECA balbutiante ou au Traité de Rome, puisqu’il n’existait pas, que le blocus de Berlin de 1953 ou que l’insurrection hongroise de 1956 n’ont pas dégénéré en conflit mondial. Comme y a fait référence très justement avant moi, dans le commentaire qu'il a fait ici même, notre ami Euromachus, si la France et l’Allemagne ne sont pas entrées en guerre l'une contre l'autre pendant les années 50, c'est parce que ce n’était tout simplement pas le sujet du moment, loin s’en faut. La guerre qui menaçait d’ensanglanter l’Europe ne risquait pas d’opposer les deux rives du Rhin mais le camp occidental sous influence américaine et le camp socialiste sous influence soviétique.

Or, ce qui a préservé la paix porte un nom : l’équilibre de la terreur. C'est-à-dire la perspective d’une « destruction mutuelle assurée » - c'était le nom même du concept stratégique ("MAD" pour "Mutual Assured Destruction" en anglais) entre les troupes de l’OTAN et celles du Pacte de Varsovie -, à l’issue d’une apocalypse nucléaire qui aurait anéanti le continent et sans doute même la planète entière.

Ainsi donc, et je me sens presque gêné de devoir le rappeler tant la propagande européiste a occulté la réalité des faits, si la paix a prévalu entre 1945 et la chute du Mur de Berlin en 1991, c'est parce que l’Europe était, de part et d’autre du rideau de fer, armée jusqu’aux dents. C'est une triste réalité mais elle est indéniable : ce sont les bombes thermonucléaires, les sous-marins lanceurs d’engins, les forces aériennes stratégiques et les missiles balistiques ou de croisière, qui ont assuré la paix en Europe.

Ce ne sont pas les montagnes de paperasses des technocrates de la Commission de Bruxelles visant à harmoniser l’éclairage des voitures ou le pourcentage de matières grasses dans le beurre de cacao…

D’accord va-t-on me dire. Mais maintenant ?

Eh bien maintenant, il faut regarder le monde tel qu’il est en 2010 et non pas le monde tel qu’il était il y a cinquante ou cent ans.

Trois évolutions structurelles extrêmement puissantes se sont imposées en Europe occidentale depuis la fin du second conflit mondial.

1. la fin des guerres classiques entre pays développés

La première de ces évolutions concerne la fin des guerres classiques entre pays développés.

L’histoire européenne a été marquée, depuis la Renaissance, et surtout depuis la Guerre de Trente Ans et le Traité de Westphalie de 1648, jusqu’en 1945, par la guerre classique, c'est-à-dire des conflits opposant les armées d’État à État (armées de mercenaires d’abord, régulières ensuite).

Or ce type de conflits classiques tend désormais à disparaître, sinon de toute la surface de la planète, du moins de tous les pays très développés.

Pourquoi ? Pas du tout sous l'effet des institutions communautaires. D'ailleurs, les Français envisagent-ils davantage de faire la guerre à la Norvège qu'à la Finlande parce que la première n'est pas dans l'Union alors que la seconde l'est ? Evidemment non.

Autre exemple : un coup de chasse-mouche du dey d’Alger contre l’envoyé de Charles X avait été un motif jugé suffisant pour que la France intervienne militairement en Algérie en 1830. Mais, un siècle et demi après, le gouvernement français n’a jamais même simplement envisagé d'envoyer des soldats français en Algérie pour empêcher qu’un nombre significatif de nos compatriotes s’y fassent assassiner pendant les années 1980 et 1990. L’Algérie n’étant pas dans l’Union européenne, ce refus français d’entrer en guerre, si exactement contraire à ce que fut l’attitude française en 1830, tient donc à des causes qui n'ont rien à voir avec la construction européenne.

Quelles sont ces causes ? Si la guerre classique d’État à État tend à s’éteindre dans l'ensemble des pays développés, c'est essentiellement sous le double effet :

- d’une part d’un profond changement des mœurs, découlant de la hausse des niveaux de vie et de la généralisation de l’éducation,
- d’autre part de la généralisation des moyens de communication visuels et instantanés : la télévision, puissamment relayée désormais par Internet.

Les Etats-Unis ont perdu la Guerre du Vietnam en 1975, d’abord et avant tout parce que le peuple américain ne supportait plus de voir les appelés du contingent mourir en direct sur le petit écran jour après jour, et que la conscience universelle n’aurait pas toléré que Washington usât de l’arme nucléaire dans ce cas.

C'est l’instantanéité et l’omniprésence de l'information qui rend la guerre classique de plus en plus inacceptable aux yeux des opinions publiques des pays développés, et nullement les institutions bureaucratiques de Bruxelles.

Quelles sont les conséquences de cet état de fait ?

La première conséquence, c'est que les États développés ne peuvent plus réellement se faire de guerre classique entre eux. Cela ne signifie hélas pas qu’ils ne se font plus la guerre du tout ! Cela signifie seulement que les guerres qu’ils se livrent sont d’une toute autre nature que les guerres classiques.

Désormais, les guerres entre pays développés sont beaucoup plus sournoises. Elles se font de façon invisible pour l’homme de la rue : il n'y a plus de déclarations de guerre, les armements classiques n’apparaissent plus, les destructions matérielles et humaines sont devenues très faibles.

Les guerres du XXIe siècle usent d’autres moyens, beaucoup plus perfides et sophistiqués :

- leurs armes sont les médias, les campagnes de propagande, les opérations de désinformation, les manipulations psychologiques, les actes terroristes à la paternité douteuse ;
- leurs cibles sont les cerveaux de chaque individu, leur mise en conditionnement pour accepter des évolutions et des prises de contrôle souvent bien plus totales que ce à quoi parvenaient les guerres classiques d’autrefois.

C'est en pensant à ce nouveau type de « guerre inconnue », de guerre du XXIe siècle, que François Mitterrand a livré, dans le testament politique qu’il a confié au journaliste George Marc Benamou quelques semaines avant sa mort, ces terribles phrases que j’évoque dans certaines de mes conférences : « La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort…apparemment. Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde… C’est une guerre inconnue, une guerre permanente, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort ! » (Source : LE DERNIER MITTERRAND de Georges-Marc BENAMOU - Date de publication : 27/1/1997 - Editeur : Plon - Omnibus.

La seconde conséquence, c'est que lorsque les pays très développés ont encore recours à des interventions militaires, ils ne le font désormais que dans des zones périphériques du monde, éloignées et difficiles d’accès pour les médias, et sous des contraintes très fortes : en n’utilisant plus de conscrits mais une armée de métier, en ayant pour objectif le « zéro mort » pour leurs propres soldats, donc en privilégiant les bombardements aériens aux opérations terrestres, en visant à ce que le conflit soit le plus bref possible, et enfin en verrouillant le plus possible la couverture de presse.

C'est ce type de guerre qui se déroule dans plusieurs régions du monde, et notamment en Afghanistan ou en Irak, où les armées des pays membres de l’Union européenne sont d’ailleurs très largement engagés, sous couvert d’opérations de l’OTAN.
Illustration : L'eurocorps, pour préparer la guerre "au service de l'Europe et de l'OTAN"

2. le déclin du taux de natalité dans les pays d’Europe

La deuxième évolution structurelle concerne le déclin du taux de natalité dans les pays d’Europe, qui entraîne depuis des années un vieillissement accéléré des populations.

Cette évolution est tout spécialement spectaculaire en Allemagne puisque l'un des scénarios démographiques probables envisage que l’Allemagne perde 13,7 millions d’habitants d’ici à 2050, et cela malgré l'immigration annuelle massive de 100 000 personnes. En 2050, les personnes de plus de 60 ans représenteraient plus de 40 % de la population allemande et seraient presque trois fois plus nombreuses que les moins de 20 ans. (source : article « Démographie de l’Allemagne » dans Wikipédia).

Ces données démographiques sont capitales car tous les historiens savent que les guerres naissent très généralement entre des zones pauvres enregistrant une forte croissance de leur population et des zones riches de faible pression démographique. De ce point de vue, quel historien ou spécialiste des conflits peut sérieusement croire que la guerre est plausible entre les pays de l’ouest européen, alors que ceux-ci sont menacés de dénatalité et que les personnes âgées y sont d’année en année plus nombreuses ?

3. la démographie des pays du sud de la Méditerranée (Maghreb et Afrique)

Enfin, la troisième évolution structurelle concerne justement la démographie des pays du sud de la Méditerranée (Maghreb et Afrique), ainsi que, de façon plus éloignée géographiquement, celle du sous-continent indien.

Pour les raisons que je viens à l’instant de rappeler, tout spécialiste sérieux ne peut pas ignorer que la disparité des situations démographiques et économiques entre les deux rives de la Méditerranée constitue le principal risque de guerre pour l’Europe dans les décennies qui viennent.

Or, et c'est là la tragique ruse de l’Histoire, le principe même de la construction européenne consiste précisément à repousser les pays du Maghreb et d’Afrique à l’extérieur du périmètre de prospérité européen (la candidature du Maroc à l’entrée dans l’Union européenne ayant d’ailleurs été officiellement rejetée).

Les européistes peuvent évidemment rétorquer que les pays du Maghreb ou d’Afrique n’ont pas leur place dans une « construction européenne », comme si la définition purement conventionnelle de ce que sont des continents devait primer sur une réflexion sage sur ce qu’il convient de faire pour préserver la paix des futures générations des deux côtés de la Méditerranée.

En réalité, ce raisonnement cynique et dur des européistes prouve en quoi l’Europe, loin de nous assurer la paix, est au contraire en train de nous amener la guerre. Si les européistes croyaient sincèrement que ce sont les dizaines de milliers de pages de directives d’harmonisation émanant de la Commission de Bruxelles qui ont empêché une nouvelle guerre en Europe depuis un demi-siècle, alors ils devraient logiquement proposer d’intégrer au plus vite les pays du sud dans cette construction politique censée garantir la paix.

En rejetant au contraire ces pays, ils font la preuve de leur terrible inconséquence et ils révèlent à leur corps défendant que la construction européenne n’est bien qu’une opération conçue depuis des années à Washington pour faire de l’Europe un glacis géostratégique américain.

Cet asservissement politique nous conduit tout droit au Choc des Civilisations théorisé précisément par Washington.

L’Europe ce n’est pas la paix, l’Europe, c'est la guerre.

François Asselineau

2 commentaires:

  1. Monsieur Asselineau,

    Si je comprends votre analyse de la propagande européiste et vos explications à l'absence de guerre depuis 1945, vous semblez toutefois rejoindre les politiques européennes intégrationnistes ou immigrationnistes pour éviter un péril reposant sur la constatation momentanée de courbes croisées de la démographie et du niveau de richesse des deux côtés de la Méditerranée.

    Or d'une part vous semblez oublier les perspectives économiques désastreuses des pays européens, menaçant de se dissocier de l'euro (selon des bruits de couloirs dit-on), ce qui risque d'organiser une certaine égalité à la baisse des niveaux de vie. ( J'ajoute que le niveau d'éducation baisse également) D'autre part, en constatant que la guerre moderne est une guerre économique, vous semblez oublier que c'est autant la mondialisation que l'immigration qui sont, pour paraphraser Mr Zemmour, les bras armés des néo-libéraux impérialistes.

    Encourager l'intégration de pays du maghreb ne ferait que poursuivre le déficit démocratique amorcé par l'intégration européenne, la soumission des nations aux pouvoirs financiers déjà à l'oeuvre à Bruxelles, et l'immigration de masse des populations du sud ne s'arrêterait qu'à la faveur de cette future crise catastrophique détruisant le pays et sa culture juste après les restes de son économie. Que ne subira-t-on pour échapper à une guerre déjà enclenchée : les pays riches endettant (FMI) et se réendettant (bientôt pour nous les DTS - voir rapport de l'ONU) pour leur perte de souveraineté, les pays pauvres évacuant leur main d'oeuvre qui menacerait de renverser des pouvoirs corrompus par le détournement des fonds internationaux (?).

    Mais peut-être êtes-vous d'accord avec la politique de Sarkozy avec l'Union pour la Méditerranée ou encore ceci... http://www.lesechos.fr/info/finance/020650578138-la-finance-islamique-lorgne-le-marche-immobilier-francais.htm

    Je crains, cher monsieur, que vous n'évinciez les causes des problèmes de la France pour choisir une solution qui vous serait suggérée demain par les forces mêmes qui sont à l'origine de ce manque de défense économique de l'euro pour le cas où l'Etat français serait sorti de sa zone.

    Si jamais vous ne parlez que de coopération économique renforcée par des traités bilatéraux une fois la France sortie de l'Europe, on peut imaginer que ce soit une façon de se désinscrire du choc de civilisation louable, mais il faudra sortir de l'OTAN, du FMI... Cela semble utopique, étant donné la situation et les perspectives actuelles.

    Si je discute autant la réalité d'une menace de la France par des pays du Maghreb que les solutions que vous tendez à préconiser, il ne faut pas cependant négliger le risque de guerre civile interne à la France précipitée par Sarkozy, prévue et voulue par les médias, et soutenue par une immigration de masse oppressive des salaires ou exclusivement familiale qui ne participe à aucune relance économique en période de rigueur.

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  2. La principale escroquerie concernant CETTE Europe, c'est bien qu'elle n'ait pas frontières définies. On peut donc intégrer à l'Europe tous pays qui aurait une frontière commune avec l'entité européenne existante...une véritable tour de Babel en construction.

    L'autre point important, c'est que contrairement à ce que disait Jacques Delors, aucune politique sociale n'a été mise en oeuvre en Europe, mais alors pour qui roule tous ces commissaires européens?

    Il s'agit la d'une Europe à marche forcée, le réferendum français est d'ailleurs parti en classement vertical!

    Dernier point, je ne connais personne qui fasse passer sur appartenance à l'Europe avant l'appartenance à son pays d'origine et ceci après 50 ans de construction européenne.

    Bref le bilan de l'Europe est sévère.

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