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vendredi 4 juin 2010

[Blog] Flore Vasseur : Bilderberg 2010 – Jour 0

Nous sommes arrivés ce matin à Barcelone. Dans le taxi, j’ai sondé le chauffeur avec mon espagnol impossible. Il a été patient, m’a dit que la finance n’était qu’un jeu, les fins de mois difficiles, l’Espagne, pas la Grèce. Savez-vous ce qu’est le Bilderberg? Jamais entendu parler. Il nous demande où nous allons. Au Dolce Resort, le complexe hôtelier censé accueillir le sommet annuel du Bilderberg, lequel est censé démarrer demain. « Censé » car cette information n’est pas officielle, ni publique ni rien. Des blogs en ont parlé. Ils sont bien les seuls à s’intéresser au Bilderberg. 
Depuis 1954, ce groupe se réunit une fois par an dans le plus grand secret. La liste des participants des éditions précédentes a largement fuité sur Internet : des ministres, des patrons d’entreprises, de presse, les chefs des armées. On sait qui vient, qui protège la réunion des quelques activistes (les CRS locaux, mais aussi des agents, des avions de l’Otan). On ne sait pas ce qui s’y décide, ni surtout pourquoi les media de masse n’en parlent jamais. Le participants représentent est la crème de la crème transatlantique des 4 pouvoirs : militaires, politique, économique, médiatique. Peu d’articles, aucun communiqué quand en France, n’importe quelle descente de sous-ministre dans une caisse d’allocation familiale est couverte par la presse nationale. Tout ce que j’ai trouvé sur Internet sur le sujet est écrit soit par des partisans des thèses conspirationistes, soit par une poignées de journalistes freelance. Quand nous arrivons à proximité du complexe hôtelier, j’en suis à me dire que probablement il n’y aura rien, que je suis entrain de me laisser emporter par mon sujet, que le Bilderberg est le dernier nonosse des exhaltés. J’ai hésité à venir. Au pire, je passe quelques jours à Barcelone, au mieux, je vois de mes yeux quelque chose que je n’ai pour l’instant qu’imaginé. Et que je ne comprends pas. Le chauffeur de taxi peste soudain parce que la route est barrée, je découvre l’alignement de cars de CRS. Juste devant une école maternelle dans laquelle les enfants jouent. Une poignée d’activistes piercés soutiennent des banderoles et des cartons écrites à la main. Cela paraît absurde. Nous nous fondons dans le petit groupe. Un allemand en short qui ne connaît que deux mots d’anglais répètent « fucking bastards of bilderberg », des suisses qui ne croient pas au 11 septembre sortent des photos du Pentagone assiégé, une femme hurle « Assassin » sans discontinuer. « Todo eso es une mentira, tu connais Matrix » me demande un type de Barcelone ? Il est une heure de l’après midi, les activistes sont déçus. Ils s’étaient donnés rendez-vous sur Facebook. Je plaisante en leur demandant s’ils ont prévu un apéro géant à la santé du Bilderberg. Personne ne rigole, déçu par la faible mobilisation. Ca sera mieux demain paraît-il. Quand la réunion aura démarré. Pour l’heure l’hôtel est vide. Les journalistes se reconnaissent. Ils ne sont que 5 ou 6 à couvrir l’évènement, c’est un peu leur morceau de bravoure annuel. Qui vient ? Les noms circulent : le patron de la banque mondiale, la Reine Sofia, Zapatero, Bill Gates…. De quoi vont-ils parler ? D’une intervention militaire en Iran, de l’Euro, d’une possible sortie de l’Union par l’Espagne… Who knows ? Les sujets ne manquent pas. Au programme : Jeudi : débats ; vendredi : décisions ; samedi : golf. Trois petits tours et puis s’en vont ? Le check point est gardé par six membres des « mossos d’esquadra ». A leur pied, les activistes ont écrit : « Monsieur le policier, les criminels sont à l’intérieur, pas à l’extérieur ». « S’ils sont chargés de la sécurité des participants au Bilderberg, qui me protège d’eux » me demande un sociologue, « hippy activiste » comme il se définit lui même.« Si eux représentent le pouvoir, et s’ils se réunissent dans le plus grand secret, c’est qu’il n’y pas plus de démocratie, c’est qu’ils sont des seigneurs et que nous sommes des esclaves. Je ne veux pas être un esclave. » Dont acte, il a inventé une monnaie sociale. Pour un monde sans euro ? Comme aucun participant n’est encore arrivé, nous avons pu avancer jusqu’à un deuxième check point. On a découvert le Golf, vu l’hotel de plus près. Première conclusion de la journée : les bilderbergers ont un gout douteux. L’un des bâtiments dispose d’un toit pointu. Tu ne reconnais pas la Pyramide des illuminati, s’écrit l’Allemand en Short. Nous attendons le défilé d’Audi et de Cayenne aux vitres teintées. L’objectif des activistes : révéler qui vient grâce à un safari photo organisé de l’aéroport jusqu’au check point. Ils espèrent reconnaître les passagers. Tout ce qu’ils voient : un ballet de fourgons blindés, de camionnettes de fleuristes et de livreurs. De bon enfant en début de journée, la tension monte à mesure que les heures passent. Un hélicoptère surgit, avance au ralenti, sondant le bois qui longe le Golf de l’hôtel. Des agents seraient répartis dans la forêt, les policiers filtrent à l’entrée, commencent à vérifier les coffres des voitures autorisées à passer. L’Hélico s’excite et surplombe maintenant l’entrée. On sait que les participants vont commencer à arriver. « Assassinos, criminales, mercenarios » hurle une activiste. La seule chose que l’on voit : un dragon géant gonflable à l’arrière d’un camion de chantier. « L’année dernière en Grèce, cette année en Espagne. L’économie ne ment jamais rappelle un tag inscrit à la craie ». Les activistes posent leurs banderoles et sortent leurs bières. Le Bilderberg se réunit bien ici. Les hélicos, patrouilles, agents, sécurisent le périmètre. Le camping dans lequel nous logeons a été passé au crible. La sécurité déployée est disproportionnée. Pourquoi ? Info, intox ? Suis-je là trop tôt ? Ou est-ce déjà trop tard. C’était un jour 0. Ce petit monde s’échange les numéros. Un tour de garde s’organise devant le check point. RDV demain, 4 heures du matin.

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