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lundi 10 mai 2010

[A Etudier] Dark Pools : Le nouveau visage de l'horreur financière


La moralisation de la finance, c'est du vent. Laurent Pinsolle évoque le cas des "dark pools", ces marchés financiers parallèles fonctionnant sans aucun contrôle. La faute à une directive européenne de 2007 qui casse le monopole des Bourses.



5,8 milliards de profits malgré plus de 8 milliards de provisions ! Les résultats de BNP-Paribas contrastent avec l’état de l’économie réelle. Parallèlement, la finance trouve de nouveaux moyens de spéculer avec les dark pools, comme le rapporte Edgar, du blog La lettre volée.

C’est la nouvelle création sortie du cerveau des financiers. Des marchés électroniques parallèles où l’on peut échanger des actions en toute discrétion. Ces marchés permettent d’acheter ou de vendre sans que cela n’influe sur le cours officiel, qui dépend du marché officiel. Selon un article des Echos cité par Edgar, 5 à 7% des échanges européens transiteraient déjà par les dark pool. Pire, The Economist révélait il y a quelques mois qu’ils concernaient plus de 20% des échanges outre-Atlantique.

LA FAUTE À UNE DIRECTIVE EUROPÉENNE DE 2007

L’arrivée de cette nouvelle innovation financière en Europe a une simple raison : une directive européenne de 2007 qui a cassé le monopole des Bourses au nom de la concurrence et autorisé à abandonner la traditionnelle règle de transparence. On ne voit pas bien à nouveau ce que cette innovation peut apporter de positif à la collectivité. On y voit bien l’intérêt des institutions financières, qui y gagnent un nouvel instrument de spéculation, protégé et secret, échappant à la réglementation.

En effet, un tel outil peut faciliter les délits d’initiés, qui seront plus difficiles à tracer et il permet à l’avance de se mettre à l’abri de toute tentative de taxation sur les transactions financières. En revanche, il semble évident qu’en cas de crise grave, ce marché serait le premier à s’effondrer, du fait du défaut de confiance des opérateurs. Bref, voici encore un nouvel outil qui permettra à la finance de faire davantage de profits quand la mer est calme mais qui risque de la déstabiliser en cas de gros temps…

D’ailleurs, l’annonce d’un profit de 5,8 milliards d’euros net par BNP Paribas, malgré plus de 8 milliards de provision, montre que la sphère financière se redresse étonnamment vite de la pire crise qu’elle ait pourtant traversée depuis 80 ans. Comment ne pas rester songeur devant un tel profit pour à peine 40 milliards de produit net bancaire et de telles provisions ? Cela montre bien que les banques font des marges totalement indécentes sur les innombrables produits facturés à leurs clients.

LE SYSTÈME NE PEUT SE REMETTRE EN QUESTION

Certes, nous ne sommes pas encore au niveau de 2007, où 31 milliards de produit net bancaire permettait de dégager plus de 7 milliards de profits, soit une marge après impôt de plus de 20%, ce qui augure d’une pression compétitive bien légère... Pire, on voit bien que les banques ont traversé la crise de manière assez sereine et que les profits reviennent rapidement. Bien sûr, BNP-Paribas s’en est mieux sortie que la moyenne, mais 2010 devrait permettre à tout le monde d’en profiter.

Globalement, ces deux exemples relativisent considérablement les déclarations de certains dirigeants politiques, au premier rang desquels Nicolas Sarkozy, qui affirment que « le laisser-faire est fini », ou que « la moralisation de finance est en marche »… Il y a un immense contraste entre la violence de la crise que nous traversons et l’absence quasiment totale de remise en question des raisons même qui ont mené à la crise. Il est hallucinant que rien ne soit fait pour fermer les dark pool par exemple.

Par-delà l’incapacité du système financier à se remettre en question (ce qui n’est pas totalement surprenant étant donné à quel point il en profite), il est chaque jour plus choquant de voir le décalage entre le discours des dirigeants politiques et la réalité.

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